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6 mars 2008

A Villiers-le-Bel, au cœur d'une nuit d'émeute

La ville de Villiers-le-Bel (Val-d'Oise) a connu une nuit de désolation. Pendant plus de six heures, plusieurs dizaines de jeunes ont procédé à des dégradations et ont violemment attaqué les forces de l'ordre après la mort de deux adolescents âgés de 15 et 16 ans, renversés en moto par une voiture de police dans l'après-midi de dimanche 25 novembre. Le bilan est lourd : un poste de police incendié, un autre saccagé, de très nombreux commerces dévastés, des dizaines de voitures incendiées ou dégradées, une vingtaine de policiers blessés.  

Aux alentours de 17 h 15, sur la rue Louise-Michel, au niveau d'une intersection, une voiture de police heurte une mini-moto de cross, une Kawasaki verte, sur laquelle se tiennent deux adolescents, sans casques de protection. Le choc est violent : selon nos constatations, effectuées un peu plus de deux heures après l'accident, alors que la police n'avait toujours pas commencé ses investigations, les traces au sol montrent que la moto a été traînée sur plus de vingt mètres. La voiture de police s'est, elle, immobilisée une quinzaine de mètres après l'impact : l'avant du véhicule a été défoncé et le pare-chocs arraché; le pare-brise avant a été profondément enfoncé, au niveau du conducteur, lorsque les victimes l'ont heurté.

 

    Dans le quartier, classé "zone urbaine sensible", la tension monte rapidement. Comme le montre une vidéo tournée par un habitant, que Le Monde a pu visionner, les policiers sont rapidement pris à partie verbalement. Sur les images, pendant que les pompiers effectuent des massages cardiaques sur les deux adolescents, on constate que plusieurs dizaines de personnes assistent aux opérations de secours dans une ambiance tendue. De nombreux habitants reprochent aux policiers de ne pas avoir immédiatement porté assistance aux deux blessés. "Une deuxième     équipe de policiers est venue récupérer leurs collègues. Mais ils ont laissé les deux gamins sans rien faire", témoigne Younès B., 31 ans.  

 

    Les premiers affrontements débutent peu de temps après l'accident. Un commissaire présent sur place est frappé par des jeunes. "On a essayé de le protéger mais ils     l'ont attaqué avec des bâtons", raconte un adulte, en demandant l'anonymat. Des bandes commencent à incendier des véhicules et dégrader le mobilier urbain (abribus, cabines téléphoniques).

 

    Vers 19h30, le groupe que nous avons pu approcher, à 300 mètres de l'accident, compte plus d'une centaine de membres, dont beaucoup d'adolescents, presque tous cagoulés     et armés de barres de fer, planches en bois, bombes lacrymogènes et bouteilles en verre. "A la mairie!", hurlent certains d'entre eux autour d'une voiture en feu. Extrêmement agressifs, deux jeunes nous empêchent de rester sur place, allant jusqu'à nous porter des coups pour interdire toute présence extérieure.

 

    "C'EST LA PIRE DES SITUATIONS"  

 

    Dans la fumée des poubelles et des voitures qui brûlent, des jeunes courent dans tous les sens. Certains arrivent sur le site en voiture, d'autres à pied. Les insultes fusent :     "On va les niquer", disent les plus survoltés à propos des policiers qu'ils qualifient de "fils de pute" ou d'"assassins". Régulièrement, résonne le bruit d'explosions sans qu'il soit possible de distinguer s'il s'agit de véhicules en feu ou de l'usage par les forces de l'ordre d'armes défensives (lacrymogènes, flash-balls). On entend les sirènes des pompiers et des policiers qui se tiennent à distance.

 

Dans une ambiance de tension continue, les assaillants attaquent un nombre inhabituel de cibles, parfois très éloignées les unes des autres, compliquant à l'extrême les opérations de maintien de l'ordre. Devant la caserne des pompiers, située à 600 mètres environ du lieu de l'accident, ils s'en prennent directement et très violemment aux policiers : face aux jets de pierres, de bouteilles en verre, de barres en fer et de planches en bois, ceux-ci répliquent avec des dizaines de tirs de grenades lacrymogènes et de flash-balls. A proximité, les jeunes     réussissent à incendier un concessionnaire automobile, y compris les véhicules à l'intérieur.  

 

Après ces premiers affrontements, qui ont eu lieu dans la cité, plusieurs dizaines d'individus se dirigent vers la gare RER. Sur leur passage, ils dégradent des commerces et des     véhicules. Puis attaquent le bureau de police de Villiers-le-Bel et l'incendient intégralement. A près de deux kilomètres de leur point de départ, ils réussissent à pénétrer dans     le bureau de police d'Arnouville-lès-Gonesse, situé près de la gare, en tordant un rideau de fer : selon un policier, ils "saccagent" l'intérieur des locaux, brisent les vitres et     jettent des ordinateurs et un siège par les fenêtres du premier étage. Dans la principale rue commerçante d'Arnouville, ils dégradent des voitures et des commerces : selon notre décompte, les vitrines de dix-neuf magasins ont été brisées à cet endroit; l'intérieur de plusieurs commerces, non protégés par une grille en fer, a été dévasté.  

 

Malgré les renforts venus de toute l'Ile-de-France, les forces de police, casquées, équipées de gilets pare-balles, de flash-balls et de grenades lacrymogènes, éprouvent les plus grandes     difficultés à reprendre le contrôle. Elles tentent de bloquer les déplacements de groupes "très mobiles", selon un commissaire présent sur place, mais sans y parvenir.     "C'est la pire des situations : des jeunes qui décèdent lors d'un accident avec la police, au cœur d'une cité, en fin d'après-midi, alors qu'il y a un maximum de monde", se désole la     même source.  

 

    Les patrouilles de police qui tentent de pénétrer dans la cité sont l'objet de tirs de plombs ou de grenaille. "Je pense qu'il y avait un fusil à pompe", relève un des     policiers visés. Les radios des forces de l'ordre ont fait état de l'usage, à plusieurs reprises, de cocktails Molotov. De nombreux habitants insultent les policiers sur     leur passage – ce à quoi les fonctionnaires n'hésitent pas à répondre sur le même ton. Selon la préfecture, vingt et un policiers ont été blessés. Un calme précaire est     revenu après minuit. Les habitants comme les forces de l'ordre attendent avec beaucoup d'appréhension les prochaines nuits.  

            

Luc Bronner

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